Acquisitions 2017


 

Dépôt de 33 œuvres photographiques et graphiques

Laurent Goumarre, Sans titre (Arthur), 2007, dépôt d’une collection particulière, 2017 © Laurent Goumarre

 

Dans le cadre de sa politique d'enrichissement des collections, le musée Réattu encourage en permanence les artistes, les collectionneurs, les institutions publiques et privées à déposer des oeuvres à Arles. Cette pratique du dépôt permet de questionner les collections historiques du musée en regard de nouvelles problématiques artistiques et historiques en offrant au public, mais également à la conservation, au service des publics et à la documentation du musée la possibilité d'étudier les oeuvres sur un temps plus long que les emprunts classiques, limités à quelques mois à peine. Cette année, le musée a sollicité un collectionneur qui a accepté de déposer 33 oeuvres graphiques et photographiques à la Ville d'Arles. Le musée enrichit ainsi le propos du fonds photographique, permettant à des artistes comme Grégoire Alexandre, Véronique Ellena, Daniel Firman, Laurent Goumarre, Eloïse van der Heyden, Guillaume Janot, Bettina Komenda, Delphine Kreuter, Annie Leibovitz, Christophe Mattern, Sarah Moon, Martin Parr, Anne et Patrick Poirier, Michaël Roy, Dana Salvo, Nils Udo, Javier Vlahonrat, d’entrer au musée, ouvrant de nouvelles voies d'exploration aux collections.

Brigitte Bauer
Don de 4 photographies de la série Paysages de la Sainte-Victoire

Brigitte Bauer, Sans titre de la Série Paysages de la Sainte Victoire, 1993

Née en Allemagne en 1959, Brigitte Bauer vit et travaille à Arles depuis 1987. Diplômée de l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles en 1990 et de l’Université d'Aix-Marseille en 1995, elle enseigne la photographie à l'École Supérieure des beaux-arts de Nîmes depuis 2005.
Ses photographies font partie de nombreuses collections publiques et privées.
En prenant pour sujet la montagne Sainte-Victoire, Brigitte Bauer se heurtait immanquablement à l'héritage de Cézanne, dont les différentes versions autour du motif ont marqué un tournant dans l'histoire de l'art. C'est pourtant moins à travers la peinture du maître d'Aix qu'à un essai de l'auteur autrichien Peter Handke que nous devons cette série. La leçon de la Sainte-Victoire, publiée aux éditions Gallimard en 1985, se présente sous la forme d'un récit initiatique initié par la vision d'une peinture de la Sainte-Victoire dans une exposition consacrée à Cézanne au Grand Palais, qui obsède le protagoniste au point de le lancer dans un marche vers la montagne, à la recherche du point de vue l'artiste.
Cette idée de la pérégrination est à l'origine du principe de la série des Paysages de la Sainte-Victoire, qui sont comme autant de traductions en image des écrits de Handke : même façon de contourner la montagne, de jouer sur les courbes de la route et des chemins, sur le déplacement et la distance des points de vue. Tantôt proche et presque palpable, tantôt lointaine et vaporeuse, la montagne oscille entre motif central et toile de fond de l'image. Brigitte Bauer y trouve le moyen de renouveler l'émerveillement initial ressenti face à ce monument de calcaire – c'est là le rôle du retour sur le motif, qui se fait en fonction des heures de la journée ou des saisons – tout en y trouvant un sujet qui lui permette d'élaborer une esthétique personnelle du paysage.

Roel Jacobs
Don de 25 photographies appartenant à trois ensembles distincts : série Mirrored Landscapes, ensemble d'études (collages et photomontages) et série Tian An Men

Roel Jacobs, The cutting of an image, série Mirrored landscapes, carrière de Beaulieu, Languedoc, août 1978

 

Roel Jacobs expose pour la première fois aux Rencontres de la Photographie d'Arles en 1979 au sein d'un groupe de photographes belges, parmi lesquels on retrouve d'autres auteurs présents dans les collections du musée comme Pierre Cordier ou Hubert Grooteclaes. La mention des ces deux auteurs, spécialistes de l'expérimentation du médium photographique, rappelle dans quel contexte le travail de Roel Jacobs émerge : une période de questionnement, qui amène les photographes à dépasser le problème du sujet – portrait, scènes de rue, paysage – au profit d'une réflexion sur les principes mêmes de la photographie. L'exposition personnelle qui lui est consacrée en 1982, intitulée Observations dans le temps / Checks on time  (qui lui permet de remporter le prix des jeunes photographes) fait état de travaux réalisés les années précédentes dans la région et de recherches qui vont se prolonger tout au long de sa carrière.
Parmi les axes qui structurent la collection photographique du musée Réattu, celui des Rencontres d'Arles est fondamental. Le musée s'impose en effet de plus en plus comme la mémoire du festival en s'engageant à conserver les dépôts réguliers qu'il lui concède, mais surtout en encourageant les photographes, à travers ses expositions, à venir enrichir de leur témoignage l'histoire photographique d'Arles.

Lucien Clergue
Achat avec l'aide du FRAM de 10 photographies de Lucien Clergue de la série Tournage du Testament d'Orphée de Jean Cocteau

 Lucien Clergue (1934-2014), Le poète (Jean Cocteau) et le sphynx, Val d'Enfer des Baux de Provence, 1959, tirage 2011. Ex. 1/30 ©Atelier Lucien Clergue - SAIF

Lucien Clergue est à l'origine, avec le conservateur Jean-Maurice Rouquette, de la création de la « Section d'Art Photographique » du musée Réattu en 1965. Acteur majeur de l'orientation photographique d'Arles, il est aussi le donateur de plus de deux cents photographies au musée. La Ville d'Arles et le musée ont souhaité sceller définitivement leur attachement à l'un des plus éminents artistes qu'Arles ait produit par l'acquisition d'un ensemble de dix photographies portant sur le tournage du film de Jean Cocteau Le Testament d'Orphée. Cette série fondamentale dans l’oeuvre du photographe n'était représentée à ce jour dans les collections que par une seule image. Le tournage du Testament d'Orphée a lieu en partie dans le village des Baux-de-Provence et dans les carrières du Val d'Enfer entre le 7 et le 22 septembre 1959. C'est Picasso qui suggère cet environnement puissant à Cocteau, qui charge à son tour Lucien Clergue de repérer les lieux les plus propices au tournage et d'en assurer la couverture photographique. Le photographe produira plus de deux milles clichés permettant de suivre la progression du script, d'accompagner les journées de travail et de capter des scènes vues en coulisses ou entre les prises. C'est une des rares séries représentatives de la veine documentaire du photographe arlésien, qui trouve néanmoins dans cet exercice contraint une manière de dépasser son sujet. Les dix images sélectionnées parmi les très nombreux clichés pris à l'époque retranscrivent l'équilibre trouvé par Clergue entre une photographie purement liée au tournage – sur lesquelles on peut distinguer clairement les acteurs et comprendre le contexte du film – et une photographie plus libre, dans laquelle il laisse s'exprimer son sens du récit et de la composition.